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De retour au camp des Scarabées Brillants, Baptiste et Franck découvrirent une équipe complètement démoralisée. Les scarabées étaient assis en cercle, leurs élytres brillantes ternies par la tristesse, leurs petites pattes repliées sous eux comme s’ils voulaient se faire tout petits.
« Voici notre équipe, » dit le Capitaine Mandibule avec un soupir. « Ou du moins, ce qu’il en reste après les visites répétées de Dame Hésita. »
Le Capitaine présenta chaque joueur : il y avait Rapido, le scarabée le plus rapide mais qui maintenant hésitait à chaque pas ; Fortix, le défenseur au corps robuste qui n’osait plus tacler ; Ailé, l’ailier aux élytres argentées qui ne voulait plus sauter pour attraper les ballons hauts ; et enfin Minix, le plus petit scarabée, autrefois le plus technique, qui gardait désormais la balle collée à ses pattes de peur de la perdre.
« Et moi, je suis leur gardien de but, » conclut le Capitaine. « Mais depuis que Dame Hésita m’a soufflé sa poudre d’hésitation, je ferme les yeux quand le ballon arrive vers moi. »
Baptiste regarda l’équipe et se reconnut dans chacun de ces scarabées. Lui aussi avait souvent fermé les yeux face aux défis, préférant ne pas essayer plutôt que d’échouer.
« Il nous reste trois jours avant le tournoi, » dit-il en serrant l’amulette de Maître Formix. « Nous pouvons encore nous améliorer. »
« Mais Dame Hésita reviendra, » murmura Rapido. « Elle viendra nous regarder nous entraîner et soufflera sa poudre violette. »
« Alors nous nous entraînerons là où elle ne pourra pas nous trouver ! » s’exclama Franck avec enthousiasme.
Les deux amis conduisirent l’équipe des Scarabées Brillants dans un endroit secret : sous une grande feuille de pissenlit, où la lumière filtrait en créant un terrain parfaitement délimité par les ombres des nervures de la feuille.
« Ici, nous serons tranquilles, » assura Baptiste. « Maintenant, commençons l’entraînement ! »
Baptiste se souvint des exercices que Maître Formix lui avait montrés. Il divisa l’équipe en paires et leur fit faire des passes simples.
« N’ayez pas peur de rater, » encouragea-t-il. « L’important est d’essayer encore et encore. »
Au début, les scarabées étaient maladroits, ratant plus de passes qu’ils n’en réussissaient. Mais petit à petit, avec la patience de Baptiste et l’enthousiasme contagieux de Franck, ils commencèrent à s’améliorer.
« Rapido, tu vois comme tu es rapide quand tu ne réfléchis pas trop ? » félicita Baptiste après que le scarabée eut réussi une course impressionnante avec le ballon.
« Fortix, n’aie pas peur de te servir de ta force, » encouragea Franck alors que le grand scarabée réussissait enfin à récupérer un ballon.
À la fin de la journée, l’équipe avait retrouvé un peu de sa confiance d’antan. Ils n’étaient pas encore prêts pour le tournoi, mais ils progressaient.
Le deuxième jour, alors qu’ils s’entraînaient avec encore plus d’enthousiasme, un bourdonnement familier se fit entendre.
« Elle nous a trouvés ! » s’écria Minix, terrifié.
Dame Hésita apparut à l’entrée de leur cachette, ses yeux violets brillant de malice. « Comme c’est touchant… Les petits scarabées qui croient pouvoir s’améliorer. »
Elle s’avança, prête à souffler sa poudre d’hésitation. Baptiste, sentant la peur revenir en force chez les scarabées, fit quelque chose qui le surprit lui-même : il s’avança face à Dame Hésita.
« Nous nous entraînons, » dit-il d’une voix qu’il essayait de rendre assurée. « Et nous progressons. »
Dame Hésita éclata de rire. « Vraiment ? Montre-moi ça, petit humain. »
Elle fit apparaître un ballon et le lança à Baptiste. Le garçon, surpris, tenta de le contrôler mais le rata complètement. Les Scarabées Brillants baissèrent la tête, découragés.
« Tu vois ? » ronronna Dame Hésita. « Tu n’es pas meilleur qu’eux. La peur de l’échec est en toi, profondément ancrée. »
Baptiste sentit ses joues brûler de honte. Il avait raté, devant tout le monde. Mais alors, il se souvint des paroles de Maître Formix et serra l’amulette de fourmi dans sa main.
« Oui, j’ai raté, » admit-il. « Mais je vais réessayer. »
Il fit signe à Franck de lui lancer un autre ballon. Cette fois, bien que maladroitement, il réussit à le contrôler et à faire une passe à Rapido.
Dame Hésita sembla momentanément surprise, mais se reprit vite. « Un coup de chance, rien de plus. Lors du tournoi, la pression sera bien plus grande, et vous vous effondrerez tous. »
Sur ces mots, elle s’envola en laissant derrière elle un nuage de poudre violette. Baptiste et Franck firent de leur mieux pour protéger les scarabées, mais une partie de la poudre les atteignit tout de même.
« Je… je ne sais pas si je pourrai jouer au tournoi, » murmura Ailé, ses ailes tremblantes.
« Moi non plus, » ajouta Minix. « Peut-être devrions-nous déclarer forfait ? »
Baptiste sentit le découragement le gagner aussi. Peut-être Dame Hésita avait-elle raison ? Peut-être n’étaient-ils pas à la hauteur ?
Mais Franck, qui avait réussi à éviter la poudre, intervint avec son zozotement enthousiaste : « Non ! Vous avez fait des progrès ! Baptizte, rappelle-toi ce que Maître Formix a dit ! »
Baptiste serra à nouveau l’amulette et sentit une chaleur réconfortante se répandre dans sa poitrine. « Franck a raison. Nous avons fait des erreurs, mais nous avons aussi réussi des choses. Continuons à nous entraîner. »
Le troisième jour, veille du tournoi, l’équipe était toujours affectée par la poudre de Dame Hésita, mais ils continuèrent à s’entraîner. À la fin de la journée, bien qu’ils ne fussent pas parfaits, ils jouaient bien mieux qu’au début.
« Demain, c’est le grand jour, » dit le Capitaine Mandibule alors que le soleil se couchait. « Quoi qu’il arrive, je suis fier de vous tous. Vous avez osé essayer, malgré la peur. »
Cette nuit-là, allongé sur un lit de mousse avec Franck, Baptiste ne put s’empêcher de s’inquiéter. « Et si nous perdons demain ? Dame Hésita nous gardera prisonniers pour toujours. »
« Alors nous aurons perdu en essayant, » répondit simplement Franck. « C’est mieux que de ne pas essayer du tout, non ? »
Baptiste sourit dans l’obscurité. Son ami avait raison. Qu’ils gagnent ou qu’ils perdent, l’important était d’essayer de toutes leurs forces.
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