Dans le Royaume d’Équistra, chaque enfant naissait avec un talent magique unique qui se révélait au fil du temps. Ces dons se manifestaient sous forme d’auras colorées qui entouraient les enfants lorsqu’ils pratiquaient leur talent. Philippine, une jeune fille rousse aux frisottis rebelles, aux taches de rousseur et à l’appareil dentaire étincelant, possédait le don rare de communiquer avec les chevaux magiques qui parcouraient les vastes plaines du royaume.
Ce matin-là, Philippine se préparait pour le Festival des Talents qui avait lieu chaque année dans la grande clairière de la Forêt Miroitante. Elle avait passé des semaines à s’entraîner avec Céleste, sa jument à la robe argentée et à la crinière qui scintillait comme des étoiles.
« Aujourd’hui, nous allons leur montrer ce que nous savons faire! » s’exclama Philippine en brossant délicatement la crinière de Céleste.
Iana, son chat au pelage noir strié de motifs argentés, se prélassait sur une botte de foin à proximité, observant la scène avec ses yeux verts perçants.
« Tu parais bien sûre de toi, » remarqua Iana en s’étirant paresseusement.
Philippine ne s’étonnait plus d’entendre son chat parler. Dans le Royaume d’Équistra, certains animaux familiers développaient des capacités spéciales en lien avec leurs maîtres. C’était leur petit secret à tous les deux.
« J’ai travaillé dur, » répondit Philippine. « Et cette année, j’ai créé une chorégraphie que personne n’a jamais vue! »
Alors qu’elle finissait de préparer Céleste, la porte de l’écurie s’ouvrit brusquement. Sa petite sœur Léa, âgée de huit ans, entra en trombe.
« Regarde, Philippine! J’ai fait pareil que toi! » s’écria Léa avec enthousiasme.
Philippine se retourna et son cœur se serra. Léa portait exactement la même tenue qu’elle: une tunique bleue brodée d’étoiles d’argent, des bottes en cuir souple et même un ruban bleu identique dans ses cheveux. Ce n’était pas la première fois que Léa la copiait, mais aujourd’hui, cela l’agaçait particulièrement.
« Léa, pourquoi portes-tu la même tenue que moi? J’ai passé des semaines à la confectionner pour me démarquer au Festival! »
« Parce que je veux être comme toi, » répondit simplement Léa. « Et regarde, j’ai même trouvé un poney qui ressemble à Céleste! »
Derrière elle, un petit poney gris attendait patiemment. Il était mignon, mais n’avait rien de la grâce et de la magie de Céleste.
Philippine soupira, essayant de contrôler son agacement. Le talent magique de Léa ne s’était pas encore manifesté, et Philippine savait que sa sœur se sentait parfois à l’écart. Mais cette habitude de constamment la copier devenait vraiment pénible.
« Léa, tu dois trouver ton propre style, ton propre talent, » dit doucement Philippine. « Tu ne peux pas simplement copier les autres toute ta vie. »
« Mais pourquoi pas? » demanda Léa, les yeux brillants d’une lueur étrange. « C’est plus facile d’être comme toi. Tout le monde t’admire. »
Iana sauta de sa botte de foin et s’approcha de Léa, reniflant l’air autour d’elle avec suspicion.
« Philippine, » murmura le chat, de façon à ce que seule sa maîtresse puisse l’entendre, « quelque chose ne va pas. Regarde l’ombre de ta sœur. »
Philippine baissa les yeux et fut saisie d’effroi. L’ombre de Léa n’était pas celle d’une petite fille, mais une forme ondulante et sombre, comme faite de fumée et de miroirs brisés.
« Allons au Festival, » insista Léa d’une voix qui semblait soudain légèrement différente. « Je veux montrer à tout le monde que je peux faire tout ce que tu fais. »
« Philippine, » souffla Iana, « je crois que ta sœur est sous l’influence du Reflet Voleur. »
« Le Reflet Voleur? Qu’est-ce que c’est? » demanda Philippine, désemparée.
« Une entité magique qui se nourrit de l’envie et pousse ceux qui doutent d’eux-mêmes à copier les autres plutôt qu’à trouver leur propre voie, » expliqua rapidement le chat. « Et si je ne me trompe pas, il vient juste de trouver en ta sœur une proie idéale. »
Alors qu’ils parlaient, l’aura de Philippine, habituellement d’un bleu doré lorsqu’elle était près des chevaux, sembla vaciller. Une partie s’en détacha et flotta vers Léa, entourant la petite fille d’une lueur similaire mais plus pâle.
« Ma magie! » s’écria Philippine. « Elle est en train de la prendre! »
« Non, pas ta sœur, » corrigea Iana, « le Reflet Voleur qui l’influence. Et si nous ne faisons rien, il ne se contentera pas de copier ton apparence ou tes vêtements – il volera ce qui fait de toi qui tu es vraiment. »
Philippine regarda sa sœur avec inquiétude. Léa souriait, mais son sourire semblait figé, comme un masque. Derrière elle, l’ombre ondulante grandissait.
« Viens, » dit Léa d’une voix étrangement mélodieuse. « Le Festival nous attend, grande sœur. Aujourd’hui, je vais enfin être exactement comme toi. »
L’ombre derrière Léa prit momentanément une forme plus définie – celle d’une silhouette encapuchonnée dont le visage était un miroir vide. Puis elle disparut, se fondant à nouveau dans l’ombre naturelle de la petite fille.
Philippine sentit un frisson lui parcourir l’échine. Ce qui avait commencé comme une journée de célébration venait de prendre une tournure inquiétante. Elle devait trouver un moyen de sauver sa sœur de cette mystérieuse influence avant que le Reflet Voleur ne dérobe complètement leur identité à toutes les deux.
Avec détermination, elle monta sur Céleste et suivit Léa vers le Festival, ignorant que les événements qui allaient s’y dérouler changeraient à jamais sa vision de sa sœur et d’elle-même.
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L’aventure continue !
Identifiant de l’histoire : 34