La grande clairière de la Forêt Miroitante resplendissait de mille feux ce jour-là. Des banderoles magiques flottaient entre les arbres, changeant de couleur au gré des vents. Des stands ornés de cristaux et de fleurs enchantées bordaient l’immense cercle où les participants au Festival des Talents s’apprêtaient à faire leurs démonstrations.
Philippine chevauchait Céleste avec grâce, mais son esprit était troublé. Devant elle, Léa montait son petit poney gris avec une assurance qui ne lui ressemblait pas. À plusieurs reprises pendant le trajet, Philippine avait tenté de parler à sa sœur, mais celle-ci avait répondu par des phrases étrangement semblables aux siennes.
« Le Reflet Voleur renforce son emprise, » avait murmuré Iana, qui trottait à leurs côtés. « Tu dois agir vite, avant que ta sœur ne perde complètement son identité. »
Arrivée au Festival, Philippine fut accueillie par ses amies, Élodie et Margaux, deux autres jeunes filles de son âge aux talents respectifs de faire pousser des fleurs lumineuses et de créer de petites illusions.
« Philippine! Nous t’attendions! » s’exclama Élodie. Puis, en voyant Léa, elle fronça les sourcils. « Oh, et Léa aussi… dans la même tenue que toi? »
« C’est… compliqué, » répondit Philippine. « Je crois que Léa est sous l’influence d’une créature magique appelée le Reflet Voleur. »
« Le Reflet Voleur? » répéta Margaux, soudain pâle. « J’en ai entendu parler dans les vieux livres. C’est une entité dangereuse qui se nourrit de l’essence même de ce qui rend chaque personne unique. »
« Comment puis-je l’arrêter? » demanda Philippine, désespérée.
« Je ne sais pas, » admit Margaux. « Mais regarde, ta sœur se dirige vers le cercle des présentations! »
En effet, Léa menait son poney vers le centre de la clairière, là où Philippine était censée faire sa démonstration. L’ombre de la petite fille s’était encore allongée, prenant parfois des formes impossibles qui s’évanouissaient quand on tentait de les regarder directement.
« Je dois l’arrêter, » décida Philippine en dirigeant Céleste vers le cercle.
La foule s’était rassemblée, curieuse de voir la démonstration. Philippine rattrapa sa sœur juste avant qu’elle n’entre dans le cercle.
« Léa, attends! » appela-t-elle. « Ce n’est pas ton tour, et tu ne sais pas ce que j’ai préparé! »
Léa se tourna vers elle, et Philippine fut choquée de voir que les yeux de sa sœur avaient pris une teinte argentée, comme des miroirs.
« Bien sûr que je le sais, » répondit Léa d’une voix qui résonnait comme si plusieurs personnes parlaient en même temps. « Je sais tout de toi, Philippine. Et bientôt, je serai toi, en mieux. »
L’ombre derrière Léa se dressa et prit momentanément la forme d’une silhouette aux contours flous, avec un visage fait d’un miroir brisé qui reflétait des fragments déformés de Philippine.
« Tu n’es pas ma sœur, » réalisa Philippine. « Tu es le Reflet Voleur! »
« Pas encore, » répondit la créature à travers Léa. « Mais bientôt, je posséderai tout ce qui fait de toi qui tu es. Ton talent, ton charisme, ton avenir… tout sera mien. »
La voix de Léa s’estompait sous celle, plus métallique, du Reflet Voleur. L’ombre grandit encore, et un vent glacial balaya la clairière. Les spectateurs reculèrent, effrayés par le phénomène surnaturel qui se déroulait sous leurs yeux.
« Laisse ma sœur tranquille! » cria Philippine en descendant de Céleste pour affronter directement la créature.
Elle tendit les mains vers Léa, espérant pouvoir l’atteindre au-delà de l’influence du Reflet Voleur. Mais dès que ses doigts touchèrent les bras de sa sœur, une douleur aiguë la traversa. Elle sentit comme si une partie d’elle-même était arrachée.
Le Reflet Voleur rit, un son semblable à du verre qui se brise.
« Chaque fois que tu essaieras de m’arrêter directement, je prendrai un peu plus de toi, » expliqua-t-il. « Ta sœur m’a invité en elle par son désir d’être comme toi. Maintenant, nous sommes liées, et bientôt, elle sera parfaite – une copie améliorée qui te remplacera. »
Philippine recula, horrifiée. Son aura bleue dorée diminuait visiblement, tandis que celle autour de Léa s’intensifiait, prenant les mêmes nuances mais avec des reflets gris malsains.
« Je ne te laisserai pas faire! » cria Philippine, rassemblant son courage.
Elle ferma les yeux, se concentrant sur son lien avec Céleste, puisant dans sa connexion naturelle avec les chevaux magiques. Une vague d’énergie bleue dorée l’enveloppa, et elle la dirigea vers sa sœur, espérant repousser le Reflet Voleur.
Mais la créature était prête. L’énergie que Philippine envoya fut absorbée par le miroir brisé qui servait de visage au Reflet Voleur. Puis, à l’horreur de tous, cette même énergie fut renvoyée vers Philippine, amplifiée et déformée.
Le souffle coupé, Philippine fut projetée en arrière par la force de sa propre magie retournée contre elle. Elle atterrit durement sur le sol, son aura vacillante et affaiblie.
« Philippine! » s’écria Iana en accourant à ses côtés.
La foule s’écarta, effrayée, tandis que Léa, ou plutôt le Reflet Voleur à travers elle, s’avançait vers le centre du cercle. Une lueur malsaine enveloppait maintenant la petite fille, et son poney gris semblait lui aussi transformé, sa robe prenant des reflets argentés similaires à ceux de Céleste.
« Regardez tous! » annonça le Reflet Voleur par la bouche de Léa. « Je vais vous montrer ce qu’une vraie maîtresse des chevaux peut faire! »
Philippine, encore étourdie, vit avec horreur sa sœur commencer à exécuter exactement la chorégraphie qu’elle avait préparée en secret pendant des semaines. Chaque mouvement, chaque figure était une réplique parfaite de ce qu’elle avait prévu, mais avec une qualité étrangement froide et mécanique.
« Comment peut-elle connaître ma chorégraphie? » murmura Philippine, désemparée.
« Le Reflet Voleur a accès à tes pensées, à tes souvenirs, » expliqua Iana. « Il puise dans tout ce qui fait de toi qui tu es. C’est pour ça qu’il est si dangereux. »
À mesure que Léa poursuivait sa démonstration, Philippine sentait son propre lien avec Céleste s’affaiblir. La jument s’agitait nerveusement, comme si elle ne reconnaissait plus complètement sa maîtresse.
« Je perds tout, » réalisa Philippine, des larmes coulant sur ses joues. « Mon talent, ma connexion avec Céleste, et ma sœur… »
« Pas encore, » dit fermement Iana. « Viens, nous devons partir. Tu ne peux pas vaincre le Reflet Voleur par une confrontation directe. Il est trop puissant maintenant qu’il a absorbé une partie de ton essence. »
« Mais je ne peux pas abandonner Léa! » protesta Philippine.
« Tu ne l’abandonnes pas, » assura le chat. « Tu recules stratégiquement pour mieux revenir. Fais-moi confiance, Philippine. Je connais un endroit où nous pourrons trouver de l’aide. »
Avec un dernier regard déchirant vers sa sœur qui terminait sa performance sous les applaudissements hésitants de la foule, Philippine saisit la crinière de Céleste et se hissa péniblement sur son dos.
« Suis-moi, » ordonna Iana en s’élançant vers la partie la plus dense de la Forêt Miroitante.
Philippine obéit, le cœur lourd. Derrière elle, le rire cristallin et déformé du Reflet Voleur résonnait, se mêlant aux acclamations de la foule qui, ignorante du danger, célébrait la « performance » de Léa.
Alors qu’ils s’enfonçaient dans la forêt, Philippine se jura de trouver un moyen de sauver sa sœur. Peu importait ce qu’il faudrait faire, elle ne laisserait pas cette créature voler l’identité de Léa – ni la sienne.
Iana courait devant elle, ses pattes semblant à peine toucher le sol, la menant vers une destination inconnue où, peut-être, se trouvait la clé pour vaincre le Reflet Voleur.
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L’aventure continue !
Identifiant de l’histoire : 34